Bélanger Paradis Avocats - Cabinet d'avocats - Montréal - Boucherville

Au service des entrepreneurs en construction.

En vertu de l’article 1470 C.c.Q., toute personne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice causé à autrui si elle prouve que le préjudice résulte d’une force majeure, à moins qu’elle ne se soit engagée à le réparer.

Michael Watts, de Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L/s.r.l, écrit dans son texte Situations d’urgence : L’hôpital est prêt, mais vos fournisseurs essentiels le sont-ils ? :

« Une définition typique de la force majeure comprend « … une cause ou un événement indépendant de la volonté d’une partie aux fins de la présente entente, notamment […] une urgence locale ou nationale, une tempête, un tremblement de terre, une inondation, un accident, un incendie, une explosion nucléaire ou autre, une contamination radioactive, biologique ou chimique, une maladie, une épidémie, une restriction sanitaire […] » Qui plus est, un cas de force majeure peut survenir même s’il n’a pas lieu près de l’hôpital – les pandémies ou les épidémies dans d’autres pays et régions peuvent entraîner une pénurie de fournitures essentielles (vaccins, équipement de protection personnel, entre autres) si elles sont acheminées vers les régions les plus durement touchées. »

Il existe trois types de retards : inexcusables, compensables et excusables. Les retards compensables sont ceux qui permettent à l’entrepreneur de réclamer des dommages et une prolongation des délais. Par exemple, des changements ordonnés par le donneur d’ouvrage causant une perturbation du cheminement prévu et une augmentation des coûts donneront droit à l’entrepreneur d’obtenir une indemnisation, dans la mesure où celui-ci apporte la preuve de l’augmentation des coûts.

Les retards dits « excusables » sont les retards pour lesquels l’entrepreneur aura démontré qu’ils résultent d’un cas de force majeure, du fait d’un tiers au contrat ou encore de conditions de site imprévues. Comme mentionné ci-dessus, les retards causés par le coronavirus s’inscrivent dans cette catégorie de retard. Ces retards excusables donnent droit à l’entrepreneur de demander une prolongation d’échéancier. En corollaire, le donneur d’ouvrage ne pourra réclamer compensation pour le préjudice qui pourrait résulter de ces retards. L’entrepreneur ne pourra non plus obtenir compensation par le donneur d’ouvrage.

L’épidémie de coronavirus qui sévit rencontre les critères d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’externalité propres à la force majeure.

La propagation de l’épidémie entraînera des retards résultants de l’impossibilité pour les ouvriers de rejoindre les chantiers situés dans des zones à risques et des difficultés d’approvisionnement et de livraison de matériaux.

Toutefois, doit également être pris en considération le moment de la conclusion du contrat. Ainsi, si un contrat est conclu le 16 mars 2020, alors que l’état d’urgence a été déclaré sur tout le territoire québécois le 13 mars 2020, il sera plus difficile de prétendre que le coronavirus répond aux critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité.

De plus, la plupart des contrats prévoient une clause qui permet de s’exonérer dans l’éventualité d’un événement hors de son contrôle, qu’on appelle parfois « force majeure », « cas fortuit » ou « act of God ». La première étape consiste donc à réviser son contrat et à revoir cette clause pour en confirmer la portée et identifier les formalités requises pour l’invoquer. Également, la condition d’irrésistibilité n’est pas remplie lorsque l’exécution des obligations par le débiteur est seulement rendue plus difficile, plus périlleuse ou plus coûteuse. Chaque cas est un cas d’espèce et le débiteur de l’obligation a le fardeau de démontrer qu’il est dans l’impossibilité d’agir en raison d’une cause qui est hors de son contrôle.

Un contrat pourrait stipuler que les retards causés par une force majeure sont compensables pour l’entrepreneur et prévoir que pour se prévaloir de telle clause, l’entrepreneur doit transmettre au donneur d’ouvrage un avis de réclamation dans un délai précis. D’un autre côté, une clause pénale pourrait être rédigée de façon telle que l’entrepreneur doive payer les dommages liquidés nonobstant la survenance d’un événement imprévisible et irrésistible. Dans ce dernier cas, l’entrepreneur pourrait soumettre que la clause pénale est abusive.

Également, il est souvent requis par les termes du contrat, ou du moins avisé, de donner un avis écrit à son cocontractant pour l’informer de l’existence du cas de force majeure et de son intention de s’en prévaloir. Par exemple :

  • Contrat ACC1 2008, clause 6.5.3.4 :

« Si le sous-traitant ne peut exécuter l’ouvrage en sous-traitance dans le délai prévu en raison de toute cause indépendante de la volonté du sous-traitant à l’exception d’une cause résultant d’un défaut du sous-traitant ou d’une rupture du contrat de sous-traitance par le sous-traitant, le délai d’exécution du contrat de sous-traitance doit être prolongé d’une période de temps raisonnable… ».

Clause 6.5.4 :

« Aucune prolongation pour cause de retard ne peut être consentie à moins qu’une demande n’en soit faite par avis écrit à l’entrepreneur dans les 7 jours ouvrables à compter du commencement du retard. Dans le cas d’un motif de nature continue, cependant, la présentation d’un seul avis écrit suffit ».

  • Contrat CCDC2 2008, clause 6.5.3.4 :

« Si l’entrepreneur ne peut exécuter l’ouvrage dans le délai prévu en raison de toute cause indépendante de la volonté de l’entrepreneur à l’exception d’une cause résultant d’un défaut de l’entrepreneur ou d’une rupture du contrat par l’entrepreneur, le délai d’exécution du contrat doit être prolongé d’un laps de temps raisonnable dont le professionnel décide en consultation avec l’entrepreneur… ».

Clause 6.5.4 :

« Aucune prolongation pour cause de retard ne peut être consentie à moins qu’une demande n’en soit faite par avis écrit au professionnel dans les 10 jours ouvrables à compter du commencement du retard. Dans le cas d’un motif de nature continue, cependant, la présentation d’un seul avis écrit suffit ».

Les intervenants du domaine de la construction devraient examiner attentivement leurs documents contractuels pour identifier les impacts de la fermeture ou retard de leurs chantiers et ainsi planifier les prochaines actions à prendre dans les semaines à venir. Il est important d’assurer une bonne communication avec ses cocontractants et de prévoir des alternatives mutuellement convenables dans ces circonstances exceptionnelles.

Si rien n’est prévu contractuellement, aucun intervenant ne pourra se faire reprocher d’avoir fait défaut de respecter ses engagements contractuels, le Code civil du Québec prévoyant expressément cette exonération de responsabilité (art. 1470 et 2100 al. 2 C.c.Q.).

Les parties à un contrat affecté par l’éclosion doivent également vérifier si elles détiennent une police d’assurance couvrant les pertes découlant de leur incapacité d’exécuter leurs obligations contractuelles en raison de l’événement imprévisible.  Dans l’affirmative, il est impératif de respecter les délais et les exigences de fond et de forme en matière de délai de préavis.

Par: Me Sarah-Michelle Pigeon

Page précédente

Trucs et conseils juridiques