Le travail au noir et la nullité du contrat
Le travail au noir et la nullité du contrat
Tous les entrepreneurs connaissent les risques encourus en matière fiscale d’exécuter des travaux «au noir», notamment les sévères pénalités.
Cependant, dans le cadre d’un litige civil, lorsqu’une mésentente avec le client se retrouve devant les tribunaux : comment réagissent les juges lorsque preuve est faite que le contrat intervenu viole les lois fiscales?
Prenons par exemple la situation fréquente où le client accepte, en toute connaissance de cause, de retenir les services d’un entrepreneur qui lui coûte manifestement moins cher que le prix du marché et convient qu’aucune facture lui soit remise, afin de «sauver» les taxes et que le paiement est fait en argent comptant.
Le Code civil du Québec prévoit que «La prestation doit être possible et déterminée ou déterminable; elle ne doit être ni prohibée par la loi ni contraire à l’ordre public»[1].
Les tribunaux reconnaissent depuis longtemps le caractère impératif des lois fiscales :
«lorsque deux (2) parties consentent à contracter de manière telle que l’État est privé de ses droits de percevoir une taxe légalement exigible, il s’agit là d’une transaction qui va à l’encontre de l’intérêt commun, car ce sont tous les membres de la communauté qui ne peuvent bénéficier des conséquences fiscales de cette transaction».
Or, si une entente entre le client et l’Entrepreneur est conclue «au noir», donc en violation des lois fiscales d’ordre public, les Tribunaux n’hésitent pas à constater et déclarer la nullité de l’entente entre les parties.
Mais une fois que l’entente est déclarée nulle par le Tribunal, quelles sont les conséquences?
L’article 1422 du Code civil sanctionne durement la nullité d’une entente : « Le contrat frappé de nullité est réputé n’avoir jamais existé.
Chacune des parties est, dans ce cas, tenue de restituer à l’autre les prestations qu’elle a reçues».
À la lecture de cet article, les parties doivent agir comme si l’entente n’avait jamais été conclue et que le client doit remettre les matériaux utilisé et l’entrepreneur doit rembourser les sommes déjà perçues.
Cependant, un autre article du Code, soit 1699, prévoit que le juge peut refuser la restitution des prestations (la remise des matériaux et le remboursement) ou en modifier l’étendue et les modalités.
Règle générale, les tribunaux préfèrent refuser d’ordonner la remise des matériaux et le remboursement, jugeant qu’il est souhaitable de ne pas donner suite aux réclamations réciproques des parties impliquées dans un litige lorsque l’entente contrevient aux lois fiscales.
Finalement, que se passe t’il lorsqu’un entrepreneur est impayé, et que l’entente est intervenue «au noir»?
Le principe est le suivant : un entrepreneur qui a conclu une entente «au noir» ne pourra exiger le paiement des sommes qui lui seraient dues, même si les travaux ont été réalisés correctement.
Bref, nous concluons que même en matière civile qu’il est extrêmement risqué pour un entrepreneur de convenir des ententes «au noir» : non seulement est-il exposé à des sanctions des autorités fiscales, mais en plus, en cas de litige avec son client, ses recours seront voués à l’échec.
Sachant cela, la maxime «celui qui viole la loi recherche en vain son secours», prend tout son sens…
[1] 1373, al.2 C.c.Q.
Source: Les bâtisseurs de la Montérégie (ACQ Montérégie) novembre 2015
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